Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

mardi 8 mai 2012

L’Assomption de la Vierge vue par Nicolas Poussin

            Pour le mois de Marie, nous offrons à nos lecteurs L’Assomption de la Vierge Marie de Nicolas Poussin, un tableau qui est conservé au Louvre, mais qui, étrangement, n’est pas exposé au public. La photographie que nous avons trouvée sur le site du musée n’est d’ailleurs pas des meilleures.
            Le sujet est traité selon les canons d’une excellente théologie. À la différence de son Fils, qui monte au Ciel de lui-même, le jour de l’Ascension, sa Mère y est enlevée ou assumée, comme le dit l’expression qui exprime ce mystère. Le peintre a voulu concrétiser cela en représentant la Vierge portée par quatre anges, dont deux soutiennent les bras de Marie, et deux autres ses jambes avec celles de leurs deux congénères. Un nuage, aux pieds de la Vierge, et surtout une nuée, dans toute la partie supérieure de la scène, manifestent la dimension surnaturelle de l’événement, qui emporte la Mère de Dieu bien au-delà de la terre et du ciel, puisque la première n’occupe, sous la forme d’une paysage romain, qu’un mince bandeau tout en bas de la composition, tandis que le second n’arrive pas au tiers inférieur de la vision. Tous les visages sont tournés vers le haut, la Vierge contemplant la gloire cachée de Dieu, et les anges regardant à la fois l’Assumpta et le Paradis où ils la conduisent. La symétrie est tellement évidente qu’elle ne requiert que deux notations en guise de commantaire : la source de lumière vient de la droite de Marie, qui est à la gauche du spectateur, selon un symbolisme aisément déchiffrable ; et la composition forme une amande, dont se détache légèrement le bras droit de la Vierge. L’artiste a utilisé les quatre couleurs pures, les tons dominants étant les couleurs célestes : le bleu avant tout, mais aussi le jaune de l’ange qui se tient à la droite de Marie, et le gris blanc des chairs.
            Nous avons ajouté un dessein, dont l’attribution à Poussin semble incertaine et qui est en effet en retrait par rapport au tableau. Il permet cependant d’abstraire la structure formelle de l’ensemble, chose fort utile pour comprendre une œuvre classique. Nous sommes frappé, dans cette Assomption, par l’effet de contraste entre l’événement représenté, que le peintre rend extraordinairement présent au spectateur, et l’arrière-plan  - cité, campagne, ciel, nuée même -  qui n’ont plus qu’une réalité secondaire. Il en va ainsi pour le chrétien en prière, qui entrevoit que les mystères révélés sont beaucoup plus réels que le réel quotidien dans lequel il vit, fût-il sublime comme les paysages romains si bien évoqués, ailleurs, par Poussin. Nous y voyons la preuve que le normand installé dans la Ville Éternelle avait profondément la foi, malgré les faiblesses que suggèrent d’autres œuvres. Et nous conclurons que l’on aurait tort de refuser à ce grand maître du XVIIème français et romain la grandeur spirituelle qui fut la sienne.

Nicolas Poussin, L'Assomption de la Vierge, 1649-1650
Paris, Musée du Louvre


attribué à Nicolas Poussin, L'Assomption de la Vierge, s.d.
Paris, Musée du Louvre